
Les amputés
Troisième porte au fond de la cour
Au rez-de-chaussée d’un immeuble lépreux
Au pied d’un escalier moisi
Qui s’élance à la volée vers les taudis
C’est là que vous pourrez les rencontrer
Une fois le mois
Ils tiennent permanence
Les amputés du bras gauche
Mais non du cœur
Éditent une feuille grise
Pour défendre leurs droits
Et faire connaître leur cause
Chair mutilée
Esprit intact
Ils se sont regroupés
Pour faire face à la vie qui les a meurtris
Corps diminués
Chairs blessées
Si vous passez
Ils vous raconteront
Comment ils ont fait don
Qui d’une main
Qui d’une jambe
Qui d’un œil
Qui d’une vie
Pour l’économie
Chairs estropiées
Immolées aux dieux de la productivité
Peaux
Tendons
Muscles hachés
Sur l’autel du profit
Rescapés de leur guerre
Qui n’a de monuments
Pour le souvenir ni le recueillement
Guerre jamais achevée
Tous les jours
Renouvelée
Guerre de classe
Guerre niée
Troisième porte au fond de la cour
Au rez de chaussée d’un immeuble lépreux
Au pied d’un escalier moisi
Qui s’élance à la volée vers les taudis
C’est là que vous pouvez les rencontrer
Les mutilés du travail
Guy SAVEL
