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Cavale

Depuis trois jours que j’crève de faim,

J’ai le ventre qui se tord,

J’ai même pas d’quoi m’acheter du pain.

Dans quelques jours, je serai mort.

J’ai pas compris la vie des autres,

J’en ai pris juste plein la gueule.

J’aurais voulu être quelqu’un d’autre.

Putain qu’je suis seul.


J’ai beau marcher, j’ai quand même froid.

L’hiver est là qui me foudroie.

V’là le p’tit Momo qui me dit « Viens,

Jai tiré une caisse

Où l’on pourra se réchauffer.

J’ai même des armes pour faire un casse,

Pendant les fêtes ça s’ra d’enfer.

Moi, j’avais froid, moi, j’avais faim.


Mon cœur est las, ma vie s’en va.

J’ai trop erré

Sans savoir quoi chercher :

C’est toi, ma sœur, qu’avait raison.


À peine passé le coin d’la rue,

Pas l’temps même d’se réchauffer,

Qu’y a d’jà les flics qui nous coursent.

Putain, si j’avais su !

On dérape, on enfile vite les cagoules,

Je sens Momo qui flippe à mort

On va p’têtre bien s’prendre le décor,

Et j’sens bien qu’ ça va faire mal !


V’la la A4, on risque tout,

On sème les flics à une sortie.

Momo dit qu’c’est déjà fini,

Mais moi, j’y crois pas.

J’sais pas pourquoi, j’ai pris le volant,

J’voulais pas en prendre plein les dents.

C’était trop faux, c’était trop fou,

J’les sentais encore là.


D’un seul coup, nous v’là encerclés.

J’attrape une arme.

Ca pète partout, j’veux pas tirer.

À peine dehors, j’m’écroule par terre.

Tout mon corps saigne, traversé de balles.

J’tombe en arrière, la tête contre le trottoir.

Massacré à coup de pieds, battu à mort,

Mon âme fuit vers la lumière


Isabelle Brutta