Vous êtes ici : > Accueil La page d'accueil du site  > La Bouteille à la mer Poésies choisies  > Isa Brutta : L'introduction

L’introduction

Ce jour-là,je m’croyais prêt à entrer dans l’arène
Ça f’sait tellement longtemps qu’ma meuf me bassinait
Pour que j’vois ses parents, c’était vraiment pressé
Même si j’suis pas très branché côté famille
Fallait qu’ils sachent qui fréquente leur fille
Pour pas qu’ils flippent,pour qu’ils arrêtent de l’emmerder
Parce qu’elle me gonfle, que c’est moi qui en fais les frais
Et que j’me demande bien quand elle pourra briser ses putains d’chaînes.

J’vais t’dire : au premier « salut » de son père, tout sonnait déjà faux
À son visage, j’ai vu qu’il était étonné
Ma meuf m’a fait entrer sous ses yeux ahuris
M’a présenté à sa mère qui m’sourit
Par politesse ou par hypocrisie
Je suis noir, et ça, elle ne leur avait pas dit
T’aurais dû  me prévenir, au lieu de m’laisser
L’impression d’être comme la gonzesse qui sort du gâteau.

Finalement, ils ont fini par se dégeler
Me posant des tas de questions
Sur mon métier, sur ma famille
Et sur la façon dont je m’habille.
C’était pire que la révolution
J’avais envie de tout plaquer,d’les laisser tous dans le mystère
Ma meuf avait changé de couleur
Elle voulait juste me présenter
Et elle semblait tellement gênée
Elle voyait pas que j’étais noir
Ne plus les entendre, ne plus les voir, seulement la serrer sur mon cœur.

Après on est allés manger
Ils se sont un p’tit peu calmés
Maintenant qu’ils étaient rassurés
Sur mes coutumes, sur mon métier
Ils avaient l’esprit assez libre pour savoir si j’étais un salaud
Ce qu’ils auraient pu vérifier avant
Au lieu de m’poser toutes ces questions
Mais voilà, j’n’étais pas blanc
Même si j’étais né en France
C’était vraiment pas de chance
Dommage que j’n’avais pas d’accent.

REFRAIN

Ils ne sont pas racistes, mais y a le Mais
Le Mais qui fait que j’serai jamais en paix.
Parce qu’il faut que j’sois le bouc-émissaire
À toutes leurs conneries : pourquoi pas un Noir
Un Noir qui baise leur fille, qui bouffe leur pain,
Et pique leur boulot, comme ils disent  si bien.

Avant de partir, je les salue bien,
Son père s’approche de moi et me dit :
« Monsieur, j’espère que ce n’est qu’une amitié entre vous, parce que ma fille mérite mieux que ça ».


Isa Brutta