
Histoire d’en rire
Vous connaissez le proverbe
« Plus on est de fous et plus on rit ».
Justement l’autre jour dans le métro
Il y avait un monde fou .
Et autour de moi
C’était le fou rire général .
Sans rire !
Tout le monde se tenait les côtes
Une femme
Qui donnait le sein à son enfant
Riait à gorge déployée ,
Tandis que ses voisines
En faisaient des gorges chaudes .
Deux ecclésiastiques très dignement
Riaient sous cape en chuchotant .
Un peu plus loin
Trois Vietnamiens désopilants
Riaient jaunes en s’esclaffant .
Et dans un coin
Quatre collégiens hilares
Se racontaient à tour de rôle
Des histoires à mourir de rire ,
Alors qu’à côté d’eux
Un vieillard plié en deux
Se tordait de rire
A s’en dilater la rate .
Quant à moi
Je restais de marbre
Imperturbable
En face
Quelqu’un qui me dévisageait avec insistance
Finit par me dire
En riant aux larmes :
« Mieux vaut en rire qu’en pleurer
N’est-ce pas ? »
Et il fit mine de me chatouiller le menton.
« Ah mais, ça ne me fait pas rire du tout ! »
Dis-je , décontenancé .
« Veuillez cesser, je vous prie,
Ces jeux stupides ! »
« Oh moi , vous savez , ce que j’en disais…
C’était histoire de rire un peu
Comme tout le monde.
Mais je vois bien que Monsieur
N’est guère d’humeur à plaisanter. »
« Je rirai, si ça me plait ! »
Fis-je, sur un ton qui se voulait distant .
Mais déjà la rame ralentissait
Pour entrer en gare.
En quittant le wagon
Je lançai à la cantonade :
« Rira bien qui rira le dernier ! »
Alors, comme un seul homme ,
Tous les voyageurs rirent aux éclats.
Car sans m’en rendre compte
Je venais de descendre à la station
« Gaîté »
Jacques Décréau
