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Tableaux d’une exposition


I

Amincie, mincie, mais rentrée en elle-même

À force de vigilance, exerçant la volonté,

Mais conservant la rondeur nécessaire,

La jambe bien tournée, l’os clairement affirmé,

Mais pas encombrant, la hanche présente,

Mais pas marquée, le torse souple,

De taille moyenne, pas bombé comme un bouclier,

Le torse, mais parallélépipédique et plat,

Horizon et limite où désaltérer

Large comme la mains, le ventre est froissement et murmure,

Ni trop, ni trop peu, comme cuisses et jambes,

La poitrine se devine.


Vert clair, le corsage, brun plus foncé,

Légèrement plus soutenu pour la jupe,

Les campagnes aperçues à travers les écheveaux de Lurçat,

Chaussures souples et basses, ballerines inattendues,

Un pas, une résonance, le plancher vivement heurté,

Une allure, une démarche, un port difficilement descriptible,

Mais d’une qualité et d’un effet certain,

Le maquillage rajustant ce que les années désaccordent,

Mais légèrement toutefois,

Parce que le désordre n’est pas grand

Et que, flottant foncé, presque noir,

Avec ses accents ivoire sur le front déjà un peu hâlé,

Le cheveu en reprend aux moins avancées

Dans le cours de la vie.


II

Et ce ventre portant son poids

Contre la cuisse affermie, si bientôt satisfaite,

Menue de sa poitrine, le regard levé,

La bouche entrouverte sur la supplication,

Et le corps transi, sur la pointe des pieds,

Le corps proféré, les seins épanouissant leur or,

L’arc dressant sa voute gothique au-dessus du peu renflé abdomen,

Parcouru voluptueux par une ride en surface à sa combe accordée,

La bouche, vêtue du torse redressé,

La tête cherchant son ciel, trouve au cou déployé

L’expansion requise et la narine gonflée d’azur.

Frémir, que se referment les mains aux genoux déposées,

Vite, suspendant son souffle, sondant enamourée

Du bout extrême des doigts l’épais taillis, ronces et chevaux hennissants,

Du regard interrogeant le bord inférieur de la lèvre,

Appelant, légers, les mots qui durcissent et crépitent,

Cuirasse contre son sein qui s’épand, prompt le sein,

La pointe tremblante sous l’horizon s’avance dans l’ombre tutélaire,

Et joue de retomber au creux des reins drapés.



La lance des guerriers à l’instant du sac,

Vers l’étendard déployé, entend monter la sourde clameur,

S’esclaffer le crépitement de l’incendie,

Les trompettes résonner du choc des armes

Attendre le long de la gorge et dans son repli protecteur,

Guetter, damnée, le Dieu qui ne veut pas descendre

Et serein fixe l’azur !


Michel Jamet